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En cours de relecture/correction de mon roman EVE ET LOUIS, ANNÉES MITTERRAND, un nouveau texte...

Il est venu comme ça ce court texte, parce que je crois que, dans une relation fusionnelle entre un frère et une soeur, il y a toujours de la sensualité... A vos avis (et vos photos des années 70 et 80 si vous en avez, merci.


"Chaque été depuis que leurs enfants étaient nés staccato, Claudine et Jean-Michel filaient subito prestissimo en vacances avec eux, direction l’Italie du Sud, entre Pouilles et Calabre selon les années. C’était le seul mois de l’année où Eve et Charles se voyaient attribuer une chambre chacun, et ils s’en régalaient, s’invitant chez l’un chez l’autre chaque soir et jusque tard en jouant les cadors, mais dormant séparément quoiqu’il arrivât, après avoir dit ensemble au-revoir à la lune. Au matin, ils se racontaient leurs rêves puis filaient à la plage où, pour bronzer, et comme pour retrouver une intimité qu’ils n’avaient plus la nuit comme à Paris, ils se collaient l’un à l’autre sur la même serviette, en gardant une deuxième pour se sécher après leurs plongeons dans une mer de céramique chauffée au four du soleil d’été ; entre chaque plouf, le tissu éponge à fleurs séchait sur les galets et se raidissait comme une gaufrette à cornet de glace. D’ailleurs, qu’est-ce qu’ils en ingurgitaient des gelati ces ragazzi ! Des sorbets, surtout, pour Eve ; et toujours en cachette des parents Barré que leurs débuts d’engagement politique dans les jeunesses communistes avaient rendu imperméables aux plaisirs simples de la vie. Pour eux, le monde au fond était à peine mieux qu’un goulag, et « ça n’allait pas aller en s’arrangeant ! » qu’ils disaient. Pour aller nager, Jean-Michel portait un caleçon de bain à l’ancienne qui lui descendait jusqu’aux genoux et Claudine un maillot une pièce avec dentelles aux manches et au niveau des seins. Moins prudes et lorsqu’ils étaient seuls, Eve et Charles n’hésitaient pas, l’une à dégrafer le haut quand elle était allongée sur la serviette biplace, l’autre à coincer tout le tissu arrière de son slip lycra dans sa raie du cul pour bronzer des fesses, que sa sœur lui avait dit trouver « belle et appétissante ». Son frère avait rougi en souriant malgré tout d’un air canaille, et répliqué :

- Elles sont surtout musclées.

- Je ne te crois pas, tu ne fais pas de sport.

- Je t’assure. Tu veux toucher ?

Et Eve toucha, ce qui ne la laissa pas de marbre. La même année, du côté de Scilla, et malgré l’interdiction parentale expresse qui leur avait été faite, les deux enfants osèrent se rendre en cachette aux abords du camp naturiste local, et, pour tenter de passer inaperçus, bien sûr ils se mirent nus, ce qui permit entre autres à Eve de se rendre compte que Charles devenait lui de marbre à l’opposé de sa raie des fesses dès qu’il posait le regard ailleurs que sur le sable à ses pieds ou la ligne bleue de l’horizon qui s’arrêtait à Charybde, en face. Espiègle et naïve, elle eut alors cette expression mignonne, « Oh ! Tu deviens tout dur », qui lui resterait longtemps et agacerait bon nombre de ses amants.


En août 1978, Eve avait 10 ans et venait de sauter son CM2. En Italie, soucieuse de la mode, elle changea de boisson préférée et se mit à siroter à la paille des San Pellegrino à l’orange topless sur la serviette où Charles, de dos, se dorait de partout, tête posée de côté sur ses mains croisées sous son menton et yeux grand ouverts pour ne pas perdre une miette de ce qui se passait autour de lui. Régulièrement, il disait, goguenard :

- Tiens, j’suis tout dur.

Et Eve riait. Plus sérieusement, et entre deux trempettes dans une eau presque chaude, la désormais jeune fille se prit à sincèrement espérer que les professeurs de sixième seraient plus intéressants que les maîtres et les maîtresses de l’école primaire. De retour à Paris, elle déchanta. Et au troisième jour de collège, Eve avait déjà si bien lu tous ses livres de classe que l’ennui pointa son nez plat.


Face à elle, les mines des professeurs de maths, d’anglais ou de français étaient aussi sombres que celles des instituteurs bons à tout faire, leurs mains grises aussi calleuses à force de tenir les mêmes craies, les vêtements sous leurs blouses aussi chiffonnés et vieillots, et ils semblaient s’ennuyer autant qu’Eve et tous ses camarades. Et pas moyen de se désennuyer. De sa place, la dévoreuse de glace au citron et buveuse de soda à l’orange ne voyait que des dos accablés et des visages penchés sur des feuilles à grands carreaux qui se noircissaient à mesure que les professeurs blablataient. Mécanique de la main qui gratte le papier. Art automatique dans lequel Eve était devenue experte, ce qui lui permettait, tout en feignant d’écouter, d’observer autour d’elle."




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