Ces quelques mots tard le soir et après un long moment de silence pour partager une vive ancien...
Plus d'un an et demi après y avoir été une première, je retourne depuis hier au Quartier Pénitentiaire pour Mineurs (QPM) de Quiévrechain, dans le Nord, et de nouveau pour y animer des ateliers d'écriture.
En 2022, j'y suis venu dans le cadre d'un projet intitulé "Plaines d'été". Cette année j'y reviens dans le cadre de l'événement international "Dis-moi dix mot", sur le thème du sport et de l'olympisme. La première fois, j'étais accompagné d'un musicien. Cette fois, j'y vais aux côtés d'un professeur de lutte. Car la gageure de cette session d'ateliers est d'associer lutte et écriture.
Autre gageure depuis hier : le groupe est mixte... Parmi les filles, il y a Aïcha (j'ai bien sûr changé son prénom), une jeune et belle fille de 17 ans, timide et mal dans sa peau, pas mal en résistance sur la partie lutte de la rencontre, mais plus réceptive sur l'écriture, sans plus d'enthousiasme que ça, a priori.
Aujourd'hui, elle a même refusé de participer à l'initiation à la lutte de l'atelier. Alors, elle s'est mise dans un coin avec une feuille et un crayon et a commencé à écrire, rapidement. Un moment, je me suis approché pour lui dire que, si elle avait besoin, je pouvais l'aider pour l'orthographe, la grammaire, tout ça, mais elle m'a dit que ça allait, merci. Alors je l'ai laissé tranquille. Très vite, elle a froissé sa première feuille et a recommencé à écrire, encore plus vite, concentrée, ailleurs. Un texte long, la page entière, qu'elle a emmené avec elle en fin de séance, en me disant qu'elle reviendrait avec la prochaine fois, jeudi. Mais elle a laissé la feuille froissée sur la grande table où elle s'était assise, un peu boudeuse, dos au mur. Cette feuille, je n'ai pas pu m'empêcher, je l'avoue, de la récupérer, de la défroisser, et voici ce que j'y ai lu :
"Aujourd'hui, je suis fatiguée d'être en prison. Ma famille me manque, mon fil aussi. Je regrette vraiment ce que j'ai fait. Matin, midi et soir, je ne fais que réfléchir. Je ne sais même pas où est mon fils, il me manque vraiment quand je vois ses photos..."
Si j'avais été seul, j'aurais pleuré. Ces mots m'ont coupé le souffle. Aïcha, 17 ans, est déjà maman... Je sais aussi, parce qu'elle me l'a confié hier, qu'elle ne sait pas quand elle sortira parce qu'elle n'a pas encore été jugée...
Hier, elle avait écrit, à partir de mots trouvés en luttant, et de manière semi-automatique :
"J'aimerais m'échapper
D'ici, et vers toi
Mais je n'ai pas le choix
Je dois résister
Et pour continuer
Tu dois être là..."
Pendant ce temps-là, les prisons sont pleines à craquer et un jeune ministre qui n'aime sans doute pas les enfants et n'en aura sans doute pas veut durcir et allonger les peines infligées aux mineurs en cas de délit...
C'est à pleurer, vraiment.
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