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Après BLANCHE..., le deuxième volet de ma trilogie familiale...

Même si son héroïne est vieille, BLANCHE AU FIL DES JOURS est un roman d'aujourd'hui.

Le préquel de mon premier roman se déroulera lui pendant les années Mitterrand et s'intitule désormais EVE, LOUIS ET AUTRES X — après s'être appelé un temps LES MEILLEURS D'ENTRE NOUS.

J'ai commencé à jeter quelques lignes "sur le papier" (ou plutôt sur l'écran); en voici un extrait (celle qui dit "je" est une femme qui a fait des études) :


"C’est l’histoire d’une génération, la leur, la vôtre, la mienne. D’une génération perdue qui est passée à côté de tout et n’a compté pour rien. Pourtant, nés en 1968 ou à peu près, nous étions les enfants de l’amour, de l’espoir et de la liberté. La vague épique des Trente Glorieuses pansait depuis longtemps les blessures de nos grands-parents, et, soulevés, invincibles, nos propres parents, surfaient encore aux bruits d’usines flambant neuves, de voitures rugissantes et de cinémas toujours pleins. La tête au soleil, les cheveux au vent, ils n’ont rien vu venir… Mais au début des années 70, la vague a commencé à faiblir, nos pères et mères ont commencé à patauger, et, nous qui n’étions que des gosses, nous sommes retrouvés au creux, aspirés vers le fond par la marée. On a bien tenté de surnager en battant désespérément des pattes comme des chiots jetés à la rivière, mais à quoi bon ? Des eaux sales grossies trop vite sans autres tempêtes que la rage de vivre, la folie de l’argent et la soif de pouvoir allaient nous enfoncer par le dos et nous écraser.

Le premier choc — pétrolier — de décennies qui allaient en connaître bien d’autres, et des bien pires, passa en douce sur nos écrans de télévision en train de se coloriser, entre les bonnes bouilles rigolardes de Casimir et de Michel Drucker, et tous ces films du vendredi ou du dimanche soir tard que nos propres enfants oublieraient après nous. A l’époque, les petites femmes jouaient à la vendeuse derrière des étals en plastique surmontés de caisses enregistreuses ; les jolis jouets faisaient le même bruit que les machines des supermarchés qui commençaient à pulluler aux abords des villes. Les petits hommes, eux, se faisaient offrir pour Noël des panoplies de cow-boys avec chapeaux et étoiles de shérif assortis. Dans les boites se trouvaient aussi des pistolets en plastique : on pouvait y mettre des octogones rouges de petits pétards plats dont un sur deux claquaient vraiment quand on tirait sur l’ennemi — le plus souvent les voisins d’en face, quelle qu’en soit la couleur. C’était les « putains d’voisins », c’est tout.

Après le choc inaperçu, nous grandîmes au cœur du ventre mou, comme plein d’un aligot mal cuit, des années giscardiennes : comment Marianne la flamboyante, l’excessive, la femme d’entre les femmes, notre égérie nationale, avait-elle pu s’amouracher d’un vague nobliau auvergnat ?... Resurgit alors un drôle d’homme court sur patte, rusé et matois, aux origines plus incertaines : un coup c’était les Landes, un coup la Charente, un coup la Bourgogne du Sud où il faisait bon crapahuter. Ça, il aimait marcher notre homme, comme le saint d’Assise ! Et en France, pas en Italie, il fit grandir un espoir comme on n’en avait plus connu depuis quarante ans ; mais on, vous, moi, étions trop jeunes pour participer à la liesse. Puis pas tout à fait assez vieux pour nous embarquer dans l’expansion du monde de la finance : de tout façon, durant nos années de lycée, étudier l'économie faisait mauvais genre. Nous méprisions l’argent facile parce que nos parents en avaient gagné trop vite et parfois beaucoup. Enfin nous fûmes déjà trop vieux pour biberonner au lait de l’informatique et du numérique : étudiants consciencieux, nous n’avions appris à taper sur un clavier que pour rédiger nos thèses sans doubles feuilles blanches carbonées, et à utiliser nos téléphones pour échanger avec des chercheurs étrangers qui travaillaient sur les mêmes sujets que nous, comme : La vision anti-hitchcockienne de la femme chez François Truffaut ou bien Les contes populaires et leur structure en Transylvanie Occidentale.

Sans même nous en rendre compte, nous sommes devenus des inadaptés, des handicapés, une génération de courants d’air : nous étions passés à côté de tout, y compris de nous-mêmes. Et à un moment — pas le même pour tous je pense — nous nous sommes mis à regarder le monde en spectateurs : la « quatrième dimension » avait quitté nos écrans de télé et était devenue réalité. Au bout de la vague qui nous avait quasi noyés, nous avions échoué. Que resterait-il de nous ? Un temps, les empreintes écartelées de nos corps jetés de haut dans le sable mouillé. Puis elles sécheraient, ou bien une vague, plus violente encore,

les effaceraient d’un coup. Même si je me sens désormais loin de tout, je crois bien qu’elle arrive cette vague…

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